Le déclenchement de l’accouchement est une pratique de plus en plus courante. En France, environ un tiers des naissances sont désormais déclenchées, parfois sans raison médicale impérieuse. Pourtant, cette intervention peut avoir des conséquences importantes sur le déroulement de l’enfantement et le vécu des parents. Voyons ensemble ce que disent les études et quelles sont les alternatives.
Pourquoi déclenche-t-on un accouchement ?
Le déclenchement peut être proposé dans certaines situations médicales, comme :
- Une grossesse prolongée au-delà de 41+5 semaines d’aménorrhée (« dépassement de terme« ).
- Une rupture prématurée de la poche des eaux.
- Une pré-éclampsie ou d’autres complications mettant en danger la santé de la mère ou du bébé.
- Un diabète gestationnel mal équilibré.
- Une suspicion de macrosomie (gros bébé).
- Une réduction du liquide amniotique (oligoamnios).
- Un retard de croissance intra-utérin (RCIU).
Cependant, il est aussi pratiqué sans raison médicale stricte, notamment pour des raisons d’organisation hospitalière ou de convenance. Il est essentiel de s’informer et de demander un second avis si nécessaire.
Les effets du déclenchement sur le travail et la physiologie
Le travail spontané est un processus orchestré par un équilibre subtil d’hormones :
- L’ocytocine naturelle favorise des contractions progressives et gérables.
- Les endorphines agissent comme un antidouleur naturel et permettent une meilleure gestion de la douleur.
- L’adrénaline, en faible quantité, aide au dynamisme du travail.
Le déclenchement médical perturbe souvent cet équilibre, en provoquant :
- Des contractions plus intenses et rapprochées, difficiles à gérer sans péridurale.
- Une réduction de la production d’endorphines, rendant les douleurs plus difficiles à supporter.
- Un risque accru de détresse fœtale et d’hyperstimulation utérine.
- Une augmentation du taux d’hémorragie post-partum.
- Une hausse du taux de césarienne en cas d’échec du déclenchement.
- Un possible trauma lié à un sentiment de défaillance du corps.
- Un risque de naissance prématurée si la date a été mal calculée.
- Si dépassement de terme : environnement plus stressant, donc cascade d’interventions plus probable.
Les différentes méthodes de déclenchement médical
- Ocytocine de synthèse : administrée par perfusion, elle provoque des contractions souvent très intenses et rapprochées, plus difficiles à gérer sans péridurale. Ces contractions peuvent être plus douloureuses que celles d’un travail naturel et entraîner une souffrance fœtale si elles sont trop fortes. Elles augmentent également le risque d’hémorragie post-partum.
- Prostaglandines : comprimés ou gel insérés dans le vagin pour ramollir le col et favoriser son ouverture. Elles peuvent entraîner des contractions irrégulières et difficiles à supporter, avec un risque d’hyperstimulation utérine et une potentielle détresse fœtale.
- Ballonnet cervical (sonde de Foley) : un petit ballon rempli de liquide est inséré dans le col de l’utérus pour favoriser son ouverture de manière mécanique, sans utilisation d’hormones. Il est parfois proposé en alternative aux prostaglandines pour la maturation du col. Son efficacité est variable, la pose peut être inconfortable voire douloureuse, et il comporte un risque accru d’infection.
- Décollement des membranes : manipulation manuelle du col pour stimuler la production naturelle de prostaglandines. Cela peut être inconfortable et provoquer des contractions irrégulières, sans garantir un début de travail effectif.
- Rupture artificielle de la poche des eaux : intervention mécanique visant à accélérer le travail, mais qui peut parfois provoquer des contractions plus douloureuses et augmenter le risque d’infection si le travail ne démarre pas rapidement après.
Avant d’accepter un déclenchement médical
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Avant d’accepter un déclenchement, il est possible de :
- Essayer les méthodes naturelles en douceur avant une induction médicale.
- Demander une surveillance accrue : monitoring du bébé, échographies supplémentaires pour évaluer le liquide amniotique et la vitalité fœtale.
Certaines sages-femmes, si cela commence à devenir stressant, proposent un protocole pour éviter l’induction médicamenteuse : l’utilisation du tire-lait pendant une heure, suivie d’un décollement des membranes, et éventuellement une rupture artificielle des membranes si le col est favorable.
L’influence culturelle et médicale sur la perception du terme
Il est important de rappeler que la date du terme est probable et non fixe. Cette estimation peut varier de plus d’une semaine selon les pays et les pratiques médicales. Par exemple, certain.e.s professionnel.le.s ne prennent pas en compte la durée du cycle menstruel, alors que cet élément est essentiel pour un calcul plus précis.
Un bébé né entre 37 et 42 semaines est considéré comme à terme. Pourtant, la pression exercée sur les parents pour respecter une date arbitraire peut conduire à des décisions médicales non nécessaires. Ce cadre strict ne reflète pas la réalité physiologique de chaque grossesse.
Le dépassement de terme : une réalité normale
Il est tout à fait normal que certaines grossesses se prolongent au-delà de 42 semaines. On parle alors de grossesse post-terme, et il est possible d’enfanter de manière physiologique même après la date probable du terme. Le dépassement de terme est souvent redouté dans le monde médical en raison d’un léger risque accru de complications. Par exemple, certaines études indiquent que le risque de mortinatalité passe d’environ 0,17 % à 41 semaines à environ 0,32 % à 42 semaines.
Cependant, il est important de noter que le déclenchement artificiel comporte également des risques — comme un travail plus douloureux, des interventions en cascade et un taux de césarienne plus élevé — et ces risques doivent être soigneusement comparés aux risques liés au dépassement de terme. Ainsi, la décision de déclencher ne doit pas être prise uniquement sur la base de la date, mais après une évaluation complète de la situation.
Voici une liste de questions très précises à poser à la maternité ou à la sage-femme qui aborde le cas particulier du dépassement du terme.
Les recommandations officielles
Les recommandations autour du déclenchement varient selon les organismes de santé et les pays :
- Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : recommande de limiter les déclenchements aux cas médicalement justifiés et met en garde contre leur banalisation.
- Haute Autorité de Santé (HAS) : insiste sur la nécessité d’une information claire et éclairée des patientes, avec un consentement réellement libre et informé.
- Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) : considère le déclenchement à 39 SA comme une option envisageable, tout en rappelant que chaque situation doit être individualisée.
L’étude ARRIVE : un biais trompeur
L’essai américain ARRIVE, publié en 2018 dans The New England Journal of Medicine, a suggéré que déclencher à 39 semaines réduisait le taux de césariennes (18,6 % contre 22,2 % dans les accouchements spontanés). Cette étude est très régulièrement évoquée pour défendre le déclenchement.
Mais cette étude a plusieurs limites :
- Elle compare un déclenchement à 39 SA à des accouchements ayant débuté spontanément, sans prendre en compte les autres facteurs influençant la césarienne.
- Elle ne tient pas compte des autres complications possibles du déclenchement : détresse fœtale, hémorragies, jaunisse néonatale, impact sur l’allaitement…
- Les accouchements naturels dans cette étude incluent souvent des interventions médicales qui biaisent la comparaison.
Si tu veux creuser ce sujet, voici un article d’analyse de l’étude par Floriane Stauffer, sage-femme.
La controverse autour de l’augmentation des déclenchements
L’augmentation constante du taux de déclenchements fait débat. D’un côté, certains professionnels avancent qu’un déclenchement bien encadré peut réduire le risque de complications liées aux grossesses prolongées. De l’autre, de nombreuses études montrent que la médicalisation excessive de la naissance entraîne des interventions en cascade, modifiant profondément l’expérience des parents et le déroulement physiologique de l’enfantement.
Certaines études récentes comme celles de Dahlen et al. (2021), Haavaldsen et al. (2022) et Olsen & Clausen (2023) ont mis en lumière les risques potentiels d’un déclenchement systématique, notamment une augmentation du stress périnatal, une altération du lien mère-bébé et des complications obstétricales accrues.
Conclusion
Le déclenchement n’est pas anodin et doit être réservé aux cas où il présente un réel bénéfice. Prends le temps de t’informer, de discuter avec ton équipe soignante et d’écouter ton intuition. Ton corps sait enfanter, et un suivi bienveillant peut t’aider à vivre ce moment de manière plus sereine.
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Sources
- Intrapartum interventions and outcomes for women and children following induction of labour at term in uncomplicated pregnancies: a 16-year population-based linked data study, 2021
- Is the increasing prevalence of labor induction accompanied by changes in pregnancy outcomes? An observational study of all singleton births at gestational weeks 37-42 in Norway during 1999-2019, 2022
- Planned hospital birth compared with planned home birth for pregnant women at low risk of complications, 2023
- WHO recommendations: intrapartum care for a positive childbirth experience, 2018
- Extrait des Mises à jour en Gynécologie et Obstétrique – Tome XXVII publié le 27/11/2003
- Haute Autorité de Santé, Recommandation de bonne pratique, 2011
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Photo : Camylla Battani / Unsplash

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